Damien Gabriel

Fiabilité de la mesure d’un état de conscience altérée


Lors d’un vieillissement pathologique, du développement d’une maladie neurodégénérative, ou lors d’atteintes cérébrales, les patients peuvent présenter une altération de leur état de conscience. Dans de nombreuses situations, les échelles comportementales d’évaluation d’un état de conscience altéré montrent leurs limites. Ainsi, les erreurs de diagnostic du niveau de conscience des personnes en état végétatif seraient estimées à environ 40% (Childs et al., 1993 ; Schnakers et al., 2009).
Pour diminuer cette incertitude, la recherche en neuroimagerie (IRM fonctionnelle, électroencéphalographie haute-résolution) s’est intensifiée ces dernières années avec de premiers résultats spectaculaires. Par exemple, l’IRMf et l’EEG ont mis en évidence des traces de conscience chez des patients initialement diagnostiqués en état végétatif (Monti et al., 2010, Cruse et al., 2011, Cruse et al., 2012). Cependant, dans la majorité des cas, l’analyse et l’interprétation des données restent ambigües et sujettes à caution, faisant l’objet de controverses scientifiques (Goldfine et al., 2013 ; Cruse et al., 2013, Dyer, 2013 ; Gabriel et al., 2013). C’est le cas encore très récemment dans l’étude des capacités cognitives résiduelles des patients dans le coma (Tzovara et al., 2015 ; Naccache et al., 2015).

Au CHU de Besançon, la question s’est posée quant à la fiabilité de l’emploi de ces méthodes de neuroimagerie en routine dans les services de soins palliatifs et de neurologie. Dans le cadre du projet EVEIL, qui cherche à étudier comment la neuroimagerie peut améliorer l’accompagnement des personnes présentant des troubles de la conscience et de leurs proches en unité dédiée, mon rôle a été de juger de la reproductibilité et de la fiabilité des deux principaux protocoles d’évaluation de la conscience décrit dans la littérature, le premier en IRMf et le second en EEG haute-résolution.
Après accord du comité de Protection des Personnes et de l’ANSM, j’ai répliqué les deux protocoles de neuroimagerie. Des sujets parfaitement conscients ont été testés soit en IRMf, soit en EEG haute-résolution, soit en combinant les deux méthodes, ce qui n’avait jamais été réalisé auparavant.
La réplication du protocole de détection de la conscience et de communication en IRMf a révélé qu’aucune méthode statistique et analytique ne permettait une détection parfaite chez les volontaires sains (Comte, Gabriel et al., 2015). En EEG haute résolution, nous avons mis en évidence que les protocoles manquait de fiabilité (Henriques et al., 2014), soulignant le besoin de développer de nouveaux protocoles (Pazart et al., 2015).

En comparant les deux méthodes sur un même groupe de sujets, j’ai pu mettre en évidence que l’EEG et l’IRMf n’étaient pas opposées mais complémentaires. Ces méthodes doivent être associées pour diminuer les risques d’erreur dans la détection de la conscience (Gabriel et al., 2015).
La figure illustre les résultats obtenus par les méthodes EEG et IRMf pour évaluer un état de conscience. Chez certains sujets (S11) les deux méthodes fonctionnent, alors que chez d’autres (S06 et S07), une seule méthode permet une détection efficace.

Ces travaux, et la figure ci-dessus, ont été repris dans un article publié dans la revue ScienceNews (Juillet 2015). Ils illustrent le besoin urgent de développer de nouvelles méthodes d’enregistrement et d’analyse de l’activité cérébrale pour détecter des traces de conscience avant de pouvoir être généralisées en milieu hospitalier. Ces nouvelles méthodes sont traitées dans les projets décrits ci-après.




Matériel supplémentaire : Antoine Usseglio-Carleve, Guillaume Cottez, Chloé Audebert. Semaine d’Etude Maths-Entreprises 14 : Discrimination des différences d’activité cérébrale induites par des stimulations auditives de fréquence variable. [Rapport de recherche] LM-Besançon - Laboratoire de Mathématiques de Besançon. 2015.